Physical Address

304 North Cardinal St.
Dorchester Center, MA 02124

« Croire que la marche vers une “école unique” a débuté dès l’école républicaine de Jules Ferry est une erreur historique »

Cette tribune paraît dans « Le Monde de l’éducation ». Si vous êtes abonné au Monde, vous pouvez vous inscrire à cette lettre hebdomadaire en suivant ce lien.
Dans une tribune parue dans « Le Monde de l’éducation », le 10 septembre, des députés et des sénateurs de gauche déplorent non sans raison « le virage libéral des réformes éducatives actuelles » et déclarent qu’« il est plus qu’urgent de revenir à la vision historique incarnée par notre école républicaine ».
Mais ils terminent sur une évocation de Jules Ferry [1832-1893, plusieurs fois ministre de l’instruction publique] qui est plus éblouissante qu’éclairante : « Alors que la tendance est d’envier les modèles éducatifs étrangers – autonomie des établissements à l’anglo-saxonne, la “méthode de Singapour”… –, le temps est venu de se réapproprier les propos du père fondateur de l’école de la République, Jules Ferry : “Ma prétention est de vous montrer que l’égalité d’éducation n’est pas une utopie ; que c’est un principe ; qu’en droit, elle est incontestable et qu’en pratique, cette utopie apparente est dans l’ordre des choses possibles.” »
Cette référence figure bien dans le célèbre discours de Jules Ferry à la salle Molière de 1870. Mais encore faut-il la replacer dans son contexte pour en saisir le sens et ne pas être encore une fois égaré… Jules Ferry commence en disant que l’« égalité d’éducation » est « dans l’ordre des choses possibles » parce que « l’égalité est la loi même du progrès humain ! C’est plus qu’une théorie : c’est un fait social ». Et il en veut pour preuve que « le siècle dernier [le XVIIIe siècle] et le commencement de celui-ci [le XIXe siècle] ont anéanti les privilèges de la propriété, les privilèges et la distinction des classes ».
Il est capital, si l’on veut saisir sans contresens ce que signifie l’« égalité d’éducation » pour Jules Ferry, de comprendre en quel sens il peut dire que le XVIIIe siècle et le début du XIXe ont « anéanti les privilèges de la propriété, les privilèges et la distinction des classes ». Il s’agit en fait de l’anéantissement de la « société de castes », de la société des privilèges de la naissance (de « sang bleu ») de l’Ancien Régime. Pas moins, mais pas plus. Et c’est d’autant plus capital en l’occurrence qu’il doit en aller de même (pour lui) en ce qui concerne l’égalité d’éducation : « L’œuvre de notre temps n’est pas assurément plus difficile (…) : faire disparaître la dernière, la plus redoutable des inégalités qui viennent de la naissance, l’inégalité d’éducation. »
Il vous reste 54.13% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

en_USEnglish